Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
LA COLOMBIERE

LA COLOMBIERE

ou l'Art de s'emmêler les pinceaux entre Atelier et Vie de famille

"La créativité demande du courage"

C'est cette citation de Henri Matisse qui me fait réagir aujourd'hui... En réalité, j'ai commencé à rédiger cet article l'année dernière, en 2019, lorsqu'on fêtait le 150ème anniversaire de la naissance de Henri Matisse.

Mais j'ai découvert cette maxime qui m'a instantanément tapée dans le ciboulot lorsque je préparais un article sur un style de peinture dont je raffole : le Fauvisme. Je vous en parlais en début de semaine ici.

Et aussi, parce que, sincèrement, je crois bien que tous les créateurs ressentent ça à un moment ou à un autre de leur carrière.

C'est toujours tellement ce que je ressens, au moment où je rédige cet article...

Le musée Henri Matisse de la région natale du peintre a bien entendu consacré toute une rétrospective pour fêter l'évènement. Je n'ai pas eu la chance de pouvoir y aller... Encore un truc qu'il faut que je rajoute à la longue liste des choses que j'espère pouvoir faire un jour.

En réalité, il semblerait que cette citation attribuée à Matisse n'est qu'un raccourci d'une réflexion que l'artiste se faisait et qui disait plutôt : "Il faut regarder toute sa vie avec des yeux d'enfant".

Un travail d'envergure en amont et une exposition ont conclu cet anniversaire mais j'avoue mettre rapidement désintéressée du résultat, parce que dès lors que j'ai lu : "étudiants, recherches, expositions, jury professionnel, lauréat...", j'ai déserté le navire.

Encore un monde qui n'est pas fait pour moi, qui ne me concerne pas, dans lequel je n'ai pas ma place.

Parce que moi, du courage, je n'en ai pas.

Jamais je n'oserais me frotter à tous ces cerveaux pensants, à ces artistes en plein bouillonnement, que ce soit de la jeunesse ou de la créativité, et encore moins, à un jury de "professionnels", terme derrière lequel je ne vois qu'une seule chose : des artistes arrivés à destination, au plus haut niveau de leur art, et de la reconnaissance qui va avec, légèrement imbus d'eux mêmes, fiers j'imagine, et à juste titre, sans aucun doute...

Un monde qui m'effraie au plus haut point et dans lequel je ne me vois pas une seule seconde pouvoir exister.

Alors oui, la créativité, si tant soit peu que l'on puisse parler de mes "bidouilles" comme des créations, me demande un courage immense. Déjà, celui de trouver l'énergie de continuer, dans mon petit coin, sans rien attendre ni recevoir.

Et un jour peut être, (re)trouver le courage d'aller vers les autres, pour me montrer, m'exhiber, m'exposer, me projeter, et avoir ensuite le courage de recevoir leurs critiques, qu'elles soient positives ou négatives. Car la polarité de la critique m'importe peu, c'est elle et elle seule que je ne parviens pas à supporter.

Quand ça arrive, j'ai juste envie de m'enfuir en courant. Je deviens même visiblement agressive et je m'enferme dans une attitude infantile et bornée, un brin revêche pour décourager l'autre de poursuivre. Je suis redoutablement aguerrie à ce genre d'exercice. Je décourage tout le monde et je ne veux qu'une seule chose : qu'on me laisse tranquille...

Pourtant, je suis souvent responsable de la démarche. Je laisse alors mon auditoire estomaqué devant autant de "mauvais caractère" : pourquoi je me mets en colère alors que c'est moi qui les ai sollicités ??? Qu'est ce qui ne tourne pas rond chez moi ?

Ah ! Bonne question...

Si je le savais, ça ne me poserait pas autant de problèmes... On pourrait penser que seules les critiques "négatives" me heurtent et que je ne les supporte probablement pas parce que j'ai un problème d'égo surdimensionné et que je me prends pour un être supérieur et imbu de lui même... Oui, on pourrait le penser. C'est d'ailleurs peut être vrai. Je ne sais pas trop quelle tête je fais en réalité quand ça arrive !!! Je devrais peut être demander qu'on me photographie à ce moment là, pour avoir la preuve de ça. Auquel cas, je repasse direct par la case "éducation et leçon de vie" pour apprendre à me défaire dare dare de ma superbe...

Alors pourquoi les critiques dites "positives" me laissent dans un état encore pire ??? J'ai découvert un petit début de réponse : ce serait le fameux "syndrome de l'imposteur"... celui qui nous met dans tous nos états quand on réussit quelque chose mais qu'on considère qu'on n'a en réalité pas le droit "d'être là" parce que d'autres ont fait plus d'efforts, plus d'études, plus de chemin que nous et que c'est injuste que ce ne soit pas CES personnes là qui soient à notre place plutôt que nous mêmes...

C'est tortu mais très répandu.

Résultat des courses, je suis écartelée entre l'envie de montrer ce que je fais, mais aussi l'envie de rester invisible, de n'être découverte que "par accident", "un jour"... de préférence quand je serais morte ! Pour ne pas avoir à faire de "représentation publique", de ne pas "me donner en spectacle", de n'avoir "rien à dire, rien à expliquer".

Rester une énigme, ne pas me faire connaître, mais vendre quand même des tableaux ! Ben tiens, tant qu'à faire.

Je pense que Henri Matisse, pour en revenir à lui, vu son parcours créatif et vu surtout son "radical changement de cap", même si à la fin de sa vie, il pensait que "tout avait toujours été là depuis le début" a essuyé plus d'une critique, plus d'un reproche, plus d'un mépris... et qu'en effet, toute son oeuvre a dû lui demander un sacré courage.

Dans quel but, je ne saurai le dire, car je n'ai pas au fond de moi comme d'autres artistes la certitude que ce que je fais est important. Je n'arrive pas - et je n'y arriverais jamais - à penser que mes tableaux puissent être importants dans le processus créatif de l'humanité... certains ont suffisamment confiance en eux, dans le bon sens du terme, qu'ils pressentent ou savent carrément que leur oeuvre artistique est importante et restera dans les mémoires, pour ne pas dire dans l'Histoire de l'art. Et sinon, c'est leur entourage qui le leur dit.

Je ne dis pas que mon entourage n'a pas confiance en moi, mais je sais que moi, je n'y crois pas, alors qu'importe tout ce que je pourrais m'entendre dire... et je pense surtout que ça n'a aucune importance. Parce que, pour être reconnue par mes pairs, j'estime qu'il faudrait que je fasse plus de sacrifices, que ma peinture n'est toujours pas aboutie, qu'elle est tellement imparfaite que même un étudiant de première année a plus de droit et de mérites que moi.

Tant que je n'aurais pas trouvé le "vrai" courage, je ne serais pas vraiment un artiste digne de ce nom. Je resterais une "bidouilleuse" touche à tout, qui n'a pas vraiment d'idées de génie parce qu'elle cherche trop le regard et l'assentiment des autres autour d'elle. Je ne sais pas prendre de risques et je n'en prends jamais aucun, ou alors quand j'y arrive, je me décourage dès que l'échec pointe le bout de son nez.

Peut être fais-je partie de ce que Matisse "professeur" disait de ses élèves : "... j'avais l'habitude de passer de temps à autre, le soir venu, pour voir ce qu'ils faisaient... après chaque critique, je me retrouvais en face d'agneaux, que je devais sans cesse remettre sur patte, semaine après semaine, afin de faire d'eux des lions. Je me suis alors demandé si de fait j'étais un peintre ou bien un enseignant ; j'en vins à la conclusion que j'étais un peintre et démissionnai rapidement de l'école"...

J'en suis arrivée à la conclusion, en ce qui me concerne, que je n'avais même pas la qualité d'élève de qui que ce soit, et que par conséquent, je n'étais qu'un agneau devant l'abattoir et qu'en plus, je n'avais pas de professeur qui essayerait de me transformer en lion. Donc je suis vouée à faire du sur place, tant que je n'aurais pas trouvé le courage d'évoluer toute seule pour aller vers le professeur puis vers le peintre... à supposer que ces deux aspects existent bien dans ma vie.

Et ça, ça fait tout plein de raisons pour ne pas persister !

Amicalement,

Isa

 

Partager cet article

Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :

Commenter cet article