LA COLOMBIERE

... enfin, presque là ! Plus qu'une petite dizaine de jours et nous y sommes. Et voilà. Chaque année, c'est pareil, on a du mal à y croire, on ne réalise pas vraiment, et puis un matin, hop, ça y est, et une poignée d'heures plus tard, c'est terminé.

Mais pour le moment, nous ne sommes pas encore au moment où ce sera terminé, alors profitons encore de ces quelques jours d'avant, même si, pour beaucoup, le noël de cette année, comme toute l'année d'ailleurs, ne méritera rien d'autre que d'être jeté aux oubliettes.

Je commence moi aussi à douter des vertus de ce que je prône. Est ce que ça vaut vraiment la peine de se donner tout ce mal pour ce résultat ?

Aujourd'hui, mes enfants sont rentrés du collège avec une grande nouvelle : "Maman, si on veut, on n'est pas obligés d'aller au collège demain et vendredi ! C'est le proviseur qui l'a dit !".

J'ai entièrement confiance en mes enfants mais parfois, leurs capacités à tout comprendre correctement restent celles qu'ont tous les enfants (et certains hommes, mais chut ! ne le leur dites pas...) à savoir... ce qu'ils veulent bien comprendre. Donc direction Pronote pour voir ce que les  officiels en disent et, en effet, l'adjoint du proviseur a bien confirmé par écrit : pour respecter les consignes du conseil scientifique, il est proposé aux enfants et parents qui le désirent de se confiner deux jours plus tôt afin de pouvoir passer des fêtes en famille de manière encore plus sereine.

Sauf que, pour la sérénité, on repassera, ici à la Colombière, c'est bien tout le contraire qui est en train de se produire.

D'abord parce que l'un des enfants refuse de rester à la maison. Motif officiel invoqué : il veut voir ses copains avant les vacances. Motif officieux : il a en en réalité une petite copine depuis deux semaines et il est hors de question pour lui de respecter quoi que ce soit, et au passage, qui que ce soit.

Nous savons de source sûre qu'il ne respecte pas les distanciations sociales, qu'au contraire, il les a définitivement envoyé baladé si vous voyez ce que je veux dire et que c'est pour les beaux yeux de la demoiselle qu'il est prêt... à se passer de Noël.

Son père a été très clair : si tu ne te confine pas plus tôt comme les autres enfants de la famille, tu ne pourras pas rester avec nous le soir de Noël car nous allons essayer, je dis bien "essayer", de passer le réveillon avec des membres de ma famille qui ne vivent pas avec nous et qui sont dans la catégorie "fragile". Et si on peut gagner deux jours pour pousser plus loin le délai d'incubation "au cas où", nous sommes plus que preneurs.

Pas de problème, a répondu l'intéressé. Si c'est comme ça, je ne rentre pas du tout ce soir comme convenu, et je te reverrais à la rentrée prochaine, en janvier.

Nous, on voulait qu'il passe la première semaine de vacances avec nous et qu'il ne quitte la maison que le soir de Noël, pour aller chez sa maman, je vous rassure, il ne partait pas non plus à l'orphelinat, et comme sa mère était seule pour le Réveillon, c'était moindre mal.

Mais lui a tranché très fort : il ne viendra donc pas du tout. Ni à Noël ni pour la St Sylvestre. De toutes manières, il ne souhaitait déjà rien d'autre que de l'argent pour Noël, il ne veut plus aucun cadeau de nous. Il a même exigé qu'on lui fasse une liste de tous les cadeaux qu'il avait eu ces dernières années, afin dit il, de pouvoir se rendre compte si oui ou non, nous avons été justes entre lui et les autres enfants.

On est tombés tellement bas qu'on se demande bien si on va pouvoir se relever un jour... Je ne sais pas si c'est ça, la crise d'adolescence, mais ayant déjà deux garçons qui sont passés par là et qui ne nous ont jamais fait un plan aussi foireux, je reste anéantie devant autant de peu d'émotions.

Puis, comme si ça, c'était déjà pas assez fort, nous ne savons même plus si ce petit confinement est vraiment accepté par les "autres", notamment au collège, puisque les trois quarts des enfants ont d'ores et déjà annoncé que eux, ils seraient présents, leurs parents ne pouvant pas faire autrement. Donc les professeurs n'entendent pas du tout, mais alors pas du tout, faciliter la vie de ceux qui ne feront pas l'effort de venir en classe.

Et pour preuve, le contrôle de mathématiques prévu par le professeur vendredi matin aura bien lieu, et mes enfants auront droit à un magnifique "absents" dans leur carnet de note, assorti d'un splendide coefficient 5 qu'il faudra récupérer, on ne sait pas comment. Il est pourtant écrit dans le rapport du conseil scientifique un truc que je dois être la seule à avoir lu : ";...Il est donc recommandé de ne pas pénaliser les absences scolaires des 17 et 18 décembre"...

Ah, pardon, suis-je bête et naïve : juste "recommandé"...

Les personnes qui prennent les décisions n'arrivent même pas à se faire entendre et respecter par les autres membres de leur propre équipe ! Quand on voit comment ils se tapent tous dessus, on se demande encore pourquoi on n'arrive pas à avancer dans le même sens.

Je ne comprends plus rien, je suis abasourdie devant autant de peu de considération. Oh, bien sûr, je me doute que tous les professeurs de l'hexagone doivent être furieux d'une telle directive, sachant que eux, ils n'ont pas le droit de se pré-confiner et que ce n'est pourtant pas l'envie qui doit leur manquer, d'autant qu'ils sont sérieusement exposés j'en ai bien conscience, et que leurs fêtes à eux, s'ils sont raisonnables, et bien ils n'en feront pas... d'où leur ressentiment et l'idée que, NON, ils ne changeront pas leur planning pour les deux ou trois égoïstes comme nous qui ont la possibilité de le faire. Il n'y aura pas de distanciel, pas de cours mis en ligne pour rattraper leur absence, ils devront se débrouiller pour récupérer les cours comme ils pourront...

Chez nous, on a déjà anticipé et une camarade aimable prendra en photo tous les cours qu'ils auront ces jours là pour les transférer dès le soir venu pour que les jumeaux récupèrent au plus vite. Mais zut à la fin...

Et je vous en parle de la petite phrase assassine tirée de derrières les fagots ????

"Si on vous choppe dans les magasins pour faire vos courses de Noël, on va vous le faire payer sévère !"
 

Véridique.

Parfois j'ai l'impression que certains adultes, à force de n'avoir affaire qu'à des enfants, ont bloqué les neurones en mode "sales gosses"...

A part ça, nul besoin de culpabiliser ou de se sentir stigmatisés, non, tout va bien, nous sommes des gens responsables et soucieux des autres, nous voulons juste faire quelque chose pour essayer de se sortir de ce bourbier, on essaye de rester lucides, de regarder les choses en face, non, la vaccination ne permettra pas toutes les folies dès le 1er janvier, non, tout le monde ne pourra pas en bénéficier, non, tout le monde ne sera pas protégé tout de suite.

Et non, nous ne serons pas aidés et certainement pas félicités de nos choix et de nos décisions.

Alors avec tout ça, préparer sereinement et joyeusement Noël n'est plus du tout, mais alors plus du tout, à l'ordre du jour. Je dirais même que c'est le contraire et qu'on est plus proche des larmes que des rires.

Je ne sais même plus trop où j'en suis, en réalité.

Je ne vous souhaite en aucun cas de vous retrouver dans un marasme émotionnel comme le nôtre, même si je me doute bien que, pour certains, ce sera pire, mais comme je ne peux pas porter toute la misère du monde sur mon petit dos, je préfère penser que tout ira au mieux pour la plupart d'entre nous.

Il faut bien à un moment tenter de passer du côté lumineux de la force, d'en faire un peu trop dans la gamme "bisounours" et se dire que, positiver, c'est bien aussi, sinon on ne va pas s'en sortir, et de mon point de vue, j'ai eu ma dose de montagnes russes émotionnelles pour l'année.

Alors on va se dire que tout va bien se passer, que chacun sera à la place qu'il souhaitait pour Noël et que, demain, ça ira mieux ! En attendant, à la Colombière, on va se serrer les uns contre les autres en laissant dehors tous les autres grincheux.

Amicalement,

Isa.